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Les Cygnes de la Cinquième Avenue, quand l’habit faisait le moine  

L'auteur Truman Capote et la socialite Babe Paley.

1955, Upper East Side, New-York. Écrit par Mélanie Benjamin en 2016, “Les Cygnes de la Cinquième Avenue” raconte ce Manhattan des années 50 où vit l’élite, les bien-nés, les fortunés, les entrepreneurs et les fils à papa. Là où les mondanités articulent chaque journée de la gent féminine. On s’habille pour aller déjeuner, pour se promener, on se change pour le dîner, on s’apprête à nouveau pour son mari au moment de se coucher. Un Manhattan dont l’opulence, l’élégance et l’élitisme écrasent le reste du monde. 

Reste du monde auquel appartenait encore, jusqu’en 1955 du moins, Truman Capote, jeune prodige de la littérature en quête de gloire et de reconnaissance. Par la force des choses, probablement beaucoup la sienne d’ailleurs, Capote se lie d’amitié avec la célèbre Babe Paley. Femme idéale, faiseuse de tendances, Babe Paley incarne  la quintessence du chic et de la sophistication. Elle est la reine de tous les “Cygnes”, ce groupe de riches socialites qui prennent Truman sous leurs ailes. 

Babe Paley
Babe Paley.

Les Cygnes de la Cinquième Avenue” retrace la relation de l’auteur avec ce petit groupe, de la naissance de leur amitié à son achèvement brutal lorsque Capote sort “La Côté basque” 1965 dans le magazine Esquire. Dans ce texte, il raconte la haute société new-yorkaise, et notamment les femmes qui vivent au sommet. C’est de manière à peine déguisée et peu subtile que l’écrivain y dévoile la vie de ses amies riches et célèbres, les coulisses de ce milieu, ses ragots, le pouvoir des apparences, la crasse sous la feuille d’or. 

Si ce récit est évidemment romancé dans les conversations intimes et les scènes de vie quotidiennes des Cygnes, il revient sur un des grands scandales de l’époque, un “missile littéraire”, comme le qualifie Esquire, qui viendra éclabousser l’élite new-yorkaises de ses propres secrets. Et mènera Truman Capote à sa propre décadence. 

Mélanie Benjamin raconte avec brio la beauté des Cygnes, l’arrivisme d’un auteur obnubilé par le beau et fasciné par l’argent, la solitude d’une Babe Paley réduite à son apparence qu’elle aura travaillé à la perfection. L’amitié enfantine de l’écrivain en quête d’attention et de la femme la plus convoitée de New-York à l’époque est touchante, et finalement on en redoute un peu la fin que l’on sent arriver. On se plaît aussi à imaginer ce microcosme qui semble évoluer dans un boudoir feutré, très loin de la lutte anti-ségrégationniste, de la guerre du Vietnam ou d’une quelconque crise économique.  

En 2021, l’auteur américain Laurence Leamer publie “Capote’s Women – A True Story of Love, Betrayal, and a Swan Song for an Era” qui revient sur la trahison de Capote envers ses amies. Le livre servira d’ailleurs de matériel à la deuxième saison de la série Feud réalisée par Ryan Murphy, sortie en 2024 et intitulée : “Capote vs. The Swans”. Malgré son évidente sociopathie et une cruauté soupçonnée, le personnage de Truman Capote attire. Sa déchéance, aussi triste que  ses débuts de génie littéraire auront été grandioses, interroge : le jeu en valait-il la chandelle ?  

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